De nos jours le terme de communication a pris, pour le commun et à force de martèlement marketiste, un sens quasi synonyme de publicité. Il est de bon ton d’évoquer la prochaine « campagne de com’ » de la société Machin, ou de lâcher nonchalamment entre deux verres de champ’ dans une soirée mondaine : « Oh, tu bosses dans la mode, c’est hype ! Moi j’ai une agence de com’ ».
Certes, à la base, le mot est plus volontiers associé à celui de journalisme, en ce qui serait un art de bien se faire entendre ou plutôt de se faire entendre mieux que les autres (usons de la double acception du verbe « entendre », qui s’emploie également pour signifier « comprendre »). Mais ne péchons pas trop par naïveté, de grâce ! Il faudrait revenir plus longuement sur la fonction de journaliste aujourd’hui et rappeler combien le métier tend à devenir un travail de documentaliste, voire « d’agrégateur », de machine à faire de la note de synthèse sans trop réfléchir au fond, sans trop réfléchir tout court, sans trop se cultiver, de préférence (on peut compulser à sur le sujet, par exemple, l’ouvrage de François Ruffin : Les Petits Soldats du Journalisme paru chez Les arènes). Admettons plutôt que communication, et bien trop souvent journalisme, vont désormais souvent de paire avec promotion. Et ce ne sont pas les écrits de Platon ou des œuvres de Rembrandt qu’il s’agit de promouvoir, mais plutôt tels biens ou services de consommation courante.
Notons au passage, combien de services d’internet gracieusement proposés pour favoriser la communication, qu’on nous dit, usent de fenêtres publicitaires. Que pensez-vous des objectifs souhaités par les plus grands promoteurs actuels de réseaux sociaux « gratuits » ? Croyez-vous qu’ils aient comme ambition principale de sceller de joyeuses communautés de copains et copines pour le plaisir des retrouvailles électroniques ? Le but est bel et bien de fournir un support compétitif aux afficheurs. Cela n’a certes rien d’un scoop, mais permet toutefois de s’interroger sur la forte collusion qu’entretiennent alors les notions de communication et de réclame.
Et quel personnage publique d’envergure, quelle Veri Importante Personne n’a pas, de nos jours, ses « conseillers en communication » ? Ne suggère-t-on pas au tiers-état en mal d’un emploi de « savoir se vendre » ? En somme, transmettre des informations, interagir verbalement ou non avec son entourage social pourrait se résumer à faire une bonne pub de soi, de ses idées, de ses compétences, ou des savonnettes qu’on trimballe dans sa valise. Intértessant.
Mais pour mieux brocarder cette déplorable confusion amusons-nous d’un syllogisme hardi :
Si, comme le suggèrent Paul Watzlawick et les théoriciens de l’école de Palo Alto*,
on ne peut pas ne pas communiquer
et que
communiquer c’est faire de la réclame,
alors
on ne peut pas ne pas faire de réclame.
* Pour en savoir plus sur ce courant on peut lire La Nouvelle communication, de Yves Winkin paru au Seuil.